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Comment MIT gère les entreprises en démarrage - Par : Lotfi Chouanine,

Comment MIT gère les entreprises en démarrage


Lotfi Chouanine
Lotfi Chouanine Profil de l'auteur(e)
Lotfi Chouanine est un conseiller à la recherche à l’ÉTS. Il a reçu un doctorat de l’Université d’Ibaraki (Japon), un MBA de l’UQÀM (Canada) et une maîtrise de l’Université de Volgograd (Russie).

Christopher Noble, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), est venu donner une conférence à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal le jeudi 8 juin 2017 pour expliquer comment le MIT gère la propriété intellectuelle et l’entrepreneuriat. Il est conseiller en transfert technologique au MIT, responsable du secteur énergétique et de partenariats internationaux clés. Natif de Montréal, il était heureux d’accepter l’offre de conférence que lui a faite Lotfi Chouanine, un conseiller à la recherche de l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal.

De cette conférence, nous vous proposons une série de quatre articles pour bien comprendre :

  1. comment le MIT encourage les étudiants et les professeurs à démarrer des entreprises;
  2. quelle est son approche concernant les brevets et la gestion de la propriété intellectuelle;
  3. quelle est sa politique en matière de propriété intellectuelle;
  4. comment le MIT arrive à créer des liens d’affaires entre les grandes entreprises et les entreprises en démarrage.

Ce premier article décrit comment le MIT encourage les étudiants et les professeurs à démarrer des entreprises.

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Présentation du MIT

La charte d’incorporation du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a été acceptée le 10 avril 1861 aux États-Unis. Cette université de recherche privée est considérée par plusieurs comme étant l’une des  plus prestigieuses universités au monde [1]. Elle se classe régulièrement dans le top 10 des meilleures universités au monde [2]. Quatre-vingt cinq lauréats du prix Nobel proviennent de cette université. Pour l’année universitaire 2016 – 2017, 11 376 étudiants se sont inscrits à cette université : 4 524 au premier cycle et 6 852 aux cycles supérieurs [3]. Le MIT est situé dans la ville de Cambridge, près de la ville de Boston, Massachusetts, États-Unis.

L’écosystème Kendall Square

Comme premier aspect marquant, le MIT a créé un espace dense de 10 acres pour les entreprises en démarrage où les services d’entrepreneuriat et de propriété intellectuelle s’entremêlent à un secteur d’affaires dynamique composé :

  • de grandes entreprises technologiques (Google, IBM et Microsoft et autres);
  • d’entreprises en biotechnologie (Genzyme, Biogen, Millennium et autres);
  • d’entreprises pharmaceutiques mondiales (Pfizer, Sanofi, Novartis et autres);
  • de plusieurs incubateurs d’entreprises en démarrage et des compagnies offrant du capital de risque.

Le Kendall Square indiqué en vert pâle sur cette photo

Tout est près, à distance de marche. Un espace dense offre aussi l’avantage de favoriser des rencontres imprévues lors des déplacements et des repas.

L’approche MIT pour les entreprises en démarrage

Les entreprises en démarrage pour le MIT, c’est avant tout une affaire de personnes. Pour bien comprendre l’approche MIT, le conférencier nous a donné l’exemple d’une entreprise démarrée tout récemment au MIT, une « spin-off .», terme qui signifie une nouvelle entreprise créée à partir d’une branche d’activités d’un groupe (d’un laboratoire de recherche dans ce cas) [4]. Cette jeune compagnie est composée de personnes ayant chacun des rêves et des forces distinctes.

L’histoire de cette entreprise en démarrage commence par un étudiant. En 2009, Dave Smith s’est inscrit pour faire un Ph.D. dans le domaine des surfaces hyper glissantes au laboratoire de recherche du professeur Kripa Varanasi de la Faculté de génie mécanique au MIT. Son doctorat a été financé par le National Science Foundation (NSF) et par le département de la défense américaine. Le financement de la recherche au MIT provient essentiellement de 2 sources : 80 % provient des agences gouvernementales et des départements de la défense et 20 %, des entreprises. Très rapidement, Dave a manifesté de l’intérêt pour devenir entrepreneur. Il cherchait un sujet de recherche qui, à la fin de son Ph.D., lui permettrait de démarrer une entreprise.

Lors de ses études, Dave a travaillé avec plusieurs clubs et groupes d’entrepreneurs du MIT. Par exemple, Iteams, un programme qui regroupe des étudiants en génie et des étudiants du Business School du MIT pour suivre des cours en entrepreneuriat. Un autre groupe auquel il s’est joint : le Venture Mentoring Service, un groupe d’entrepreneurs et de conseillers qui, de façon informelle, se rencontre une fois par mois. Les étudiants viennent discuter de leurs travaux et des difficultés qu’ils rencontrent. Ce groupe offre aussi des services de mentorat dans le domaine du capital de risque.

Deuxième personnage dans cette histoire : Kripa Varanasi. Après avoir fait un bac en génie en Inde, il est venu faire un doctorat au MIT, puis a travaillé quelques années pour la compagnie GE Global Research. Il est devenu professeur à la Faculté de génie mécanique du MIT en 2008.

Au printemps 2012, Dave et Kripa ont participé à la compétition appelée « MIT $100K Entrepreneurship Competition ». Ils n’ont pas gagné cette compétition, mais ils ont mérité le prix associé au choix du public. Cette compétition leur a permis de se faire connaître auprès d’entreprises et d’investisseurs [5].

Ils ont inventé un enduit non toxique qui rend les surfaces hyper glissantes de façon permanente. La vidéo ci-dessous d’une bouteille de Ketchup qui se déverse aisément est devenue virale en 2012 : elle a été vue plus de 100 000 fois!

Pour le MIT, les multiples compétitions offertes aux entreprises en démarrage n’ont pas été créées pour choisir les meilleurs projets. Les étudiants qui travaillent sur des projets et les entreprises en démarrage sont invités à s’inscrire à ces compétitions dans le but d’obtenir de la visibilité, de la rétroaction et des conseils.

Dans le cadre des compétitions, les équipes doivent faire une présentation, un « pitch » de vente de leur idée ou de leur produit. Les présentations sont filmées et téléchargées sur Youtube pour les rendre accessibles. Ces concours permettent aux équipes d’acquérir de l’expérience et de la visibilité, et d’établir des relations. Des équipes remportent ces compétitions, mais ce n’est pas les prix qui comptent : c’est la participation.

L’équipe de Liquiglide voulait démarrer une entreprise. Ils se sont inscrits à un programme de formation à l’été 2012 appelé le «Founder’s Skills Accelerator program ».

Dave et Kripa ont démarré leur entreprise LiquiGlide, Inc. à l’automne 2012.

Une troisième personne d’importance s’est jointe à l’équipe :  Colin Gounden, un entrepreneur « en série » (il a démarré et vendu plusieurs jeunes entreprises). Colin est un investisseur de capital de risque.  Il passe beaucoup de temps à Montréal : il est président d’une entreprise en haute technologie située dans cette ville. Il a conseillé plusieurs entreprises au MIT. Il était l’un des jurys du concours « MIT $100K » lorsque Dave et Kripa ont présenté leur projet. Il a discuté avec eux et a appris à les connaître. Il leur a proposé d’investir des fonds dans leur entreprise en démarrage et les a aidés à trouver du financement pour démarrer Liquiglide.

Dave a démarré son entreprise à titre de PDG et Kripa en fait partie à titre de conseiller. Kripa continue d’enseigner au MIT. Habituellement, les membres des facultés participent au démarrage d’entreprises tout en continuant d’enseigner.

Il existe beaucoup d’organisations qui font partie de l’écosystème des entreprises en démarrage du MIT et qui participent au soutien apporté aux personnes rêvant de partir en affaires.

Le MIT n’a pas une culture de type « top down » : il y a beaucoup de groupes d’étudiants en entrepreneuriat qui se forment, disparaissent ou s’associent. Le MIT est très tolérant vis-à-vis de ces groupes parfois diffus, quelques fois chaotiques.

Puisqu’ils sont dans le même espace dense du Kendall Square, ils se connaissent et savent ce qui s’y passe. Des groupes se forment continuellement. Le MIT aide ces groupes d’étudiants, leur donne de la visibilité en leur fournir un léger soutien financier. Certains groupes sont créés et financés par le MIT.

Incubateurs

Plusieurs incubateurs se sont installés dans le Kendall Square. Aucun incubateur ne fait partie du MIT. À la question « Est-ce qu’une université devrait avoir un incubateur ? » La réponse est « cela dépend ». Puisqu’il y avait plusieurs incubateurs tout près, le MIT n’a pas eu besoin d’en créer un. Cette université préfère les soutenir pour qu’ils continuent d’offrir de bons services. Si le MIT s’était retrouvé dans un espace sans incubateur, il en aurait créé un.

Les universités doivent adapter leurs stratégies en fonction de l’écosystème qui les entoure. Il n’y a donc pas de solutions ou d’approches communes pour l’ensemble des universités.

Conclusion

Cette histoire est un bon exemple de l’approche MIT  : un étudiant qui a une bonne idée, un professeur qui l’appuie, un investisseur qui se joint à l’équipe et toute une série de groupes, de programmes et de services mis en place pour permettre à l’idée d’une équipe de se transformer en innovation donnant naissance à une entreprise rentable. Beaucoup de personnes peuvent avoir de bonnes idées. La grande difficulté est de faire d’une idée, une innovation. Le MIT a créé le Kendall Square, un espace dense et dynamique, et une approche structurée de services et de soutien centrée sur les personnes.

Vidéo de la conférence

Vous trouverez ci-dessous la vidéo de la conférence de Christopher Noble donnée à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal le jeudi 8 juin 2017. À noter que l’introduction de la conférence est en français.

Lotfi Chouanine

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Lotfi Chouanine est un conseiller à la recherche à l’ÉTS. Il a reçu un doctorat de l’Université d’Ibaraki (Japon), un MBA de l’UQÀM (Canada) et une maîtrise de l’Université de Volgograd (Russie).

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