04 Fév 2019
|
innovation d'ailleurs
|
Technologies de l'information et des communications
Une e-peau en guise de boussole


L’image d’en-tête a été achetée sur Istock.com et est protégée par des droits d’auteur.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’humain augmenté grâce aux objets connectés visibles et aux technologies bioniques intégrées au corps. Certains systèmes et prothèses amplifient des capacités déjà existantes et d’autres nous pourvoient de nouveaux pouvoirs réels et virtuels.
Des membres du laboratoire de recherche allemand Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR) à Dresde ont imaginé une nouvelle faculté sensorielle pour les humains qui pourra être utilisée dans plusieurs applications utiles et divertissantes. Il s’agit d’une e-peau qui aidera l’utilisateur à s’orienter dans l’espace, comme si son corps était muni d’une boussole interne.
Pour s’orienter, les êtres humains utilisent des repères célestes. Nous connaissons l’aptitude des marins et des nomades du désert à reconnaître leur chemin grâce aux étoiles. Par contre, selon des expériences scientifiques, le commun des mortels utilise plus ou moins bien le Soleil et la Lune pour se déplacer d’un point A à un point B. Grâce à cette peau, nous pourrons ainsi acquérir artificiellement le sixième sens de la magnétoréception dont nous possédons déjà une base biologique selon l’étude de Joe Kirschvink, un géophysicien du California Institute of Technology.
Des propriétés magnétoréceptives innovantes
La nouvelle technologie du HZDR comporte des composants magnétosensibles qui lui permettent de détecter et d’analyser les mouvements du corps en fonction du champ magnétique terrestre. Grâce à sa finesse et son élasticité, elle peut être portée afin d’orienter les personnes et les aider à trouver leur chemin. En outre, elle peut interagir avec un environnement de réalité virtuelle et augmentée et permettre de s’y orienter.
La e-peau est conçue à partir d’une feuille de polymère de 6 µm d’épaisseur. Elle est équipée de capteurs sous forme de bandes ultrafines en permalloy, qui est un alliage métallique à base principalement de nickel et de fer.
Le permalloy possède une propriété électrique qui rend les capteurs magnétoréceptifs. Il s’agit de la magnétorésistance anisotrope. C’est un effet de résistance électrique qui varie en fonction de l’angle formé entre le flux de courant et l’orientation d’un champ magnétique. Concernant la e-peau, les capteurs ont été réalisés afin d’interagir au champ magnétique terrestre. Pour ce faire, les chercheurs ont déposé une couche de matériau conducteur, à savoir l’or, sur les bandes ferromagnétiques suivant un angle de 45 degrés. Ainsi, le courant électrique ne peut circuler que suivant cet angle. Ce phénomène participe à modifier la réponse du capteur pour le rendre plus sensible lorsqu’il est exposé à des champs magnétiques faibles. La tension est de fait plus forte lorsque les capteurs pointent vers le nord et plus faible quand ils se dirigent vers le sud.
Afin de s’orienter par rapport aux objets virtuels, la e-peau capte et enregistre d’abord le changement d’orientation et de mouvement du corps humain. Puis elle transfère les données pour qu’elles soient analysées en fonction des coordonnées spatiales de l’environnement numérique.
Tests
Pour tester l’efficacité de la nouvelle technologie, les chercheurs ont comparé les résultats émis par la peau électronique aux résultats d’un gyrocompas. Les expériences ont été menées dans des environnements réel et virtuel. Le participant au test a porté la e-peau à l’index et a effectué une trajectoire bien déterminée. Il est parti du nord, en se dirigeant d’abord vers l’ouest, puis vers le sud, et enfin, il a rebroussé chemin en empruntant le même circuit. Le parcours a provoqué une augmentation et une baisse de la tension selon l’orientation du participant. Le test a été concluant puisque la e-peau a affiché les mêmes indications cardinales que le gyrocompas. Les tests RV ont eux aussi été concluants. La e-peau a permis de commander un panda numérique dans le moteur de jeu vidéo Panda3D.
L’étude s’intitule « Electronic-skin compasses for geomagnetic field-driven artificial magnetoreception and interactive electronics » et a été publié dans Nature Electronics le 12 novembre 2018. Elle a été coécrite par Gilbert Santiago Cañón Bermúdez, Hagen Fuchs, Lothar Bischoff, Jürgen Fassbender et Denys Makarov.

Hanen Hattab
Hanen Hattab est doctorante en sémiologie à l’UQAM. Ses recherches portent sur les pratiques d’art et de design subversifs et contre culturels comme le vandalisme artistique, le sabotage et les détournements culturels.
