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Votre maison a-t-elle un impact sur votre empreinte écologique? - Par : Carl Jouaneau, Javier Beltran-Galindo, Claudiane Ouellet-Plamondon,

Votre maison a-t-elle un impact sur votre empreinte écologique?


Javier Beltran-Galindo
Javier Beltran-Galindo Profil de l'auteur(e)
Javier Beltran-Galindo est Ingénieur en mécanique et électricité du bâtiment à l’ÉTS.

Claudiane Ouellet-Plamondon
Claudiane Ouellet-Plamondon Profil de l'auteur(e)
Claudiane Ouellet-Plamondon est professeure au Département de génie de la construction de l’ÉTS.

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Introduction

La population mondiale, en particulier la population urbaine, ne cesse d’augmenter depuis le début du XXe siècle. Selon les Nations Unies, le taux d’urbanisation, inférieur à 30 % en 1950, a franchi la barre des 50 % en 2007. Il devrait être supérieur à 60 % en 2030. Les villes sont les centres nerveux de notre société et un facteur clé dans la diminution des inégalités; elles sont propices aux innovations et au développement.

Cette dynamique démographique urbaine, jointe à des modes de consommation non viables, impose des pressions de plus en plus fortes sur nos écosystèmes. L’intensification des activités industrielles et de l’agriculture a des incidences sur l’utilisation des sols, la consommation d’eau, la qualité de l’air et la consommation d’énergie. La transition vers des villes durables est alors devenue un défi majeur du XXe siècle.

L’objectif principal de ce projet de maîtrise (15 crédits) est de calculer l’empreinte écologique des ménages canadiens selon le type de logement qu’ils occupent et le mode d’appartenance (locataire ou propriétaire). Ce calcul a été appliqué à quatre types de logements : maison individuelle non attenante (SD), maison individuelle double ou attachée (SA), appartement (APP) et autres (OTH -hôtel, une maison de chambres ou une pension, un camp, par exemple, camp de bûcheron ou de construction). Seule la consommation des ménages est prise en compte; celle attribuable au gouvernement, à l’impôt et à l’administration publique n’est pas considérée.

À partir de ces résultats, des recommandations pour réduire l’empreinte écologique seront apportées. En hiérarchisant et en ciblant les secteurs principaux de consommation, nous visons le réaménagement des zones urbaines dans le cadre d’une transition vers un mode de vie durable. Cette nouvelle approche permettra d’attribuer plus précisément l’ordre de grandeur des différents secteurs sur l’empreinte écologique et d’observer au sein même d’une ville les disparités de consommation entre les citoyens.

Empreinte écologique

L’empreinte écologique (EE) est un outil pour mesurer l’impact environnemental très répandu dans le monde et utilisé par de nombreuses institutions et pays (figure 1). Elle permet d’associer à la demande en biens et en services d’une population le besoin en ressources naturelles (biocapacité). Elle évalue les surfaces alimentaires productives de terres et d’eau nécessaires pour produire les ressources qu´un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés. L’empreinte écologique est habituellement mesurée en hectares globaux (hag). Cette unité sert de dénominateur commun pour permettre la comparaison entre les différents types d’usages de la terre. Des facteurs d’équivalence convertissent les hectares physiques de terres agricoles et de pâturages en hectares globaux, une unité commune (Global Footprint Network, 2016).

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Figure 1 Secteurs de l’empreinte écologique et de la consommation

Le Canada est un très vaste pays (2e plus grande superficie au monde) regroupant près de 35,7 millions d’habitants. Entre 1961 et 2014, l’EE canadien a augmenté de 15 % pour une augmentation de la population de 88 % ce qui le place aujourd’hui au 4e rang dans le monde, à égalité avec les États- Unis avec 8,2 gha/hab (voir figure 2) (Global Footprint Network, 2016). Parallèlement, sa biocapacité a diminué de 40 %. Le Canada dispose cependant de nombreuses richesses naturelles (forêts, lacs, glaciers) donc d’une biocapacité très élevée (14,9 gha/hab) et d’une importante « réserve écologique ».

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Figure 2 Empreinte Écologique par pays par capita

Principaux résultats

Empreinte écologique

La figure 3 présente l’empreinte écologique des ménages canadiens selon le secteur et le type d’habitation. Ces résultats ont été obtenus par le traitement et l’analyse (en collaboration avec le Global Footprint Network) de l’enquête des dépenses des ménages fournies par Statistiques Canada. La plus grosse empreinte est attribuable aux ménages vivant dans des maisons non attenantes (6,3 gha par habitant en moyenne pour les années 2010 à 2013) et représente 35 % de l’empreinte totale. Les ménages des maisons attachées viennent au deuxième rang (4,9 gha per capita – 27 %) tandis que les ménages vivant en appartement se classent en dernière place (3,2 gha per capita – 18 %).

Comme nous pouvons le constater à la figure 3, les secteurs du transport et de la nourriture sont ceux qui ont la plus grosse empreinte écologique. Au Canada, plus de 8 ménages sur 10 sont propriétaires d’au moins un véhicule et le secteur achat/location de véhicules est donc responsable de l’augmentation fulgurante de l’empreinte écologique et plus précisément de l’empreinte carbone.

De plus, la proportion de l’empreinte écologique du secteur de l’habitation (qui inclut l’entretien et l’énergie, dont le chauffage et la climatisation) est totalement différente selon le type de bâtiment. Alors que l’empreinte est considérable pour les maisons (tous types confondus), elle est assez faible pour les appartements, ce qui s’explique par les besoins de chauffage et d’énergie, plus importants pour les habitations plus grandes et par le fait que les appartements sont majoritairement regroupés en immeubles résidentiels.

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Figure 3 Empreinte écologique des ménages canadiens selon le type de bâtiment, de 2010 à 2013

Dépenses

La figure 4 présente les dépenses des ménages canadiens selon le secteur et le type d’habitation. Ces résultats sont issus des données de dépenses recueillies par Statistiques Canada, classées selon les secteurs de dépenses concernés pour le calcul de l’Empreinte Écologique. Excepté pour le type « autres », les dépenses des ménages canadiens ont augmenté entre 2010 et 2013. Comme nous pouvons le constater, la consommation est répartie différemment selon le type d’habitation : l’ordre dans lequel se placent les différents types d’habitation a changé. Les personnes habitant dans les maisons détachées (non attenantes) sont toujours les plus gros consommateurs (29 650 $ CA par personne en moyenne sur les 4 années) et réalisent la plus grande part des dépenses totales (29 %). Toutefois, les personnes habitant dans les appartements viennent au second rang (27 610 $ CA – 26 %), suivies de celles vivant dans des maisons attachées (26 620 $ CA – 25 %) et finalement, des ménages provenant des « autres » types d’habitation (21 130 $ CA – 20 %).

Contrairement à ce qui est observé pour la répartition de l’empreinte écologique, la plus grosse part des dépenses est attribuable au secteur habitation. Les services représentent le deuxième secteur de consommation en importance. Ce sont majoritairement les frais de santé et d’assurance des ménages canadiens qui contribuent à l’importance de ce secteur.

dépenses des ménages selon le type d'habitation

Figure 4 Dépenses des ménages canadiens en fonction du type de bâtiment, de 2010 à 2013

Conclusion/Recommandations

L’analyse des données de consommation nous montre que plusieurs facteurs interagissent sur la répartition de l’empreinte écologique. L’importance des dépenses dans un secteur n’est pas nécessairement liée à l’empreinte écologique. Le secteur à prioriser pour réduire les impacts sur l’environnement est celui des transports. Trop de véhicules sont en circulation au Canada et la combustion d’essence rejette énormément de CO2 et d’autres gaz à effet de serre. Il en est de même pour le secteur de la nourriture qui est essentiellement basée sur la consommation de produits animaliers (viande, œufs). Ce rythme et ce mode de consommation, liés à une agriculture intensive, sont souvent responsables de la dégradation des sols ou de la pollution des eaux.

Cette approche s’inscrit dans le cadre d’une transition vers un développement durable et dans le but de créer des villes ayant de faibles répercussions sur les écosystèmes. Nous pouvons constater que l’empreinte écologique est réduite pour les personnes vivant en appartement. L’impact du chauffage sur l’environnement n’est pas à négliger, en particulier dans le contexte du Canada où le mixte énergétique est basé sur la consommation de combustibles fossiles dans plusieurs provinces. Vivre en appartement, généralement en ville et dans des zones à fortes densités de population, permet de faire des économies de chauffage, ces logements étant moins grands et généralement adjacents à d’autres. Les personnes vivant en appartement sont aussi moins susceptibles de posséder une voiture. L’amélioration et l’augmentation de l’offre de transports en commun ainsi que la construction de bâtiments écologiques (certifiés LEED par exemple) sont donc vivement recommandés dans les métropoles canadiennes. Les prochaines étapes de cette étude sont de faire l’analyse de la consommation et de l’empreinte par ville, selon le type de bâtiment résidentiel et le mode d’occupation.

Information supplémentaire

Ce travail a été fait sous la direction de Claudiane Ouellet-Plamondon et en collaboration avec Statistiques Canada et le Global Footprint Insitute de Californie. Le Centre Interuniversitaire Québécois en Statistique Sociale (CIQSS) soutien aussi cette étude.

Ce projet de maîtrise a donné lieu à la publication de l’article suivant : « Ecological Footprint Analysis of the Canadian Households Consumption according to Four Types of Buildings and to Modes of Occupation » qui sera présenté lors de la conférence Sustainable Built Environment se déroulant à Zurich en Suisse du 13 au 17 Juin 2016.

Les auteurs tiennent à remercier vivement le FDDAÉÉTS  et le CIQSS pour leur participation financière et son soutien pour cette présentation.

 

Carl Jouaneau

Profil de l'auteur(e)

Programme : Génie de l'environnement 

Profil de l'auteur(e)

Javier Beltran-Galindo

Profil de l'auteur(e)

Javier Beltran-Galindo est Ingénieur en mécanique et électricité du bâtiment à l’ÉTS.

Profil de l'auteur(e)

Claudiane Ouellet-Plamondon

Profil de l'auteur(e)

Claudiane Ouellet-Plamondon est professeure au Département de génie de la construction de l’ÉTS.

Programme : Génie de la construction  Génie de l'environnement 

Chaire de recherche : Chaire de recherche du Canada sur les matériaux de construction multifonctionnels durables 

Laboratoires de recherche : CÉRIÉC-Centre d’études et de recherche intersectorielles en économie circulaire 

Profil de l'auteur(e)


Domaines d'expertise :

Développement durable 

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