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Éoliennes : comment prévenir les pannes en mer - Par : Mounir Benadja, Ambrish Chandra,

Éoliennes : comment prévenir les pannes en mer


Mounir Benadja
Mounir Benadja réalise actuellement un doctorat à ÉTS de Montréal. Ses recherches portent sur l’électronique de puissance pour les ressources énergétiques renouvelables et les systèmes de transmission à courant continu haute tension.

Ambrish Chandra
Ambrish Chandra Profil de l'auteur(e)
Ambrish Chandra est professeur au Département de génie électrique à l’ETS. Ses intérêts de recherche portent sur la qualité de l’onde, la compensation de puissance, le contrôle et l’intégration des ressources énergétiques renouvelables.
Programme : Génie électrique 

éoliennes

Éoliennes – Note de l’éditeur

Les problèmes associés à l’incertitude de mesure, l’incertitude dans la modélisation, les dysfonctionnements ou pannes de capteurs et les problèmes électriques (défauts de courants alternatif et continu) dans les parcs d’éoliennes installés sur terre et en mer peuvent influencer négativement le rendement et la qualité d’énergie produite. Ces défauts peuvent entraîner des dommages considérables des équipements et un arrêt complet des parcs éoliens. Dans ces circonstances, une équipe de réparation d’urgence doit être dépêchée sur place, sur terre ou en mer, parfois à grand frais, pour diagnostiquer les problèmes d’éoliennes et les corriger. Dans le cas d’un parc éolien en mer comportant 150 éoliennes de 2 mégawatts (MW) chacune, cela pourrait impliquer une perte de 300 MW par jour pendant plusieurs jours. Toute cette précieuse énergie pourrait être perdue à cause d’un minuscule capteur défectueux… Des chercheurs du Groupe de recherche en électronique de puissance et commande industrielle (GRÉPCI) de l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal, ont trouvé une solution innovante à ces problèmes, afin que les éoliennes continuent à tourner et à produire de l’énergie!

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 Introduction

Le monde se dirige vers la production d’énergie électrique verte à partir de sources d’énergie renouvelables, en particulier l’énergie éolienne [1 à 3]. La production mondiale continue de croître à mesure que de nouveaux parcs éoliens sont installés sur terre et en mer. La perspective économique internationale encourage les investissements en mer, où le vent est plus fort et plus régulier que sur terre [4]. Techniquement, l’interconnexion de ces parcs éoliens avec les réseaux électriques fournit une meilleure qualité d’énergie, une amélioration dans le transfert de l’électricité et une plus grande stabilité des réseaux.

Figure 1. Schéma général d'une éolienne.

Figure 1. Schéma général d’une éolienne.

Les éoliennes équipées de génératrices asynchrones à rotor bobiné présentent des inconvénients majeurs, notamment en raison de la présence de bagues collectrices, de balais et d’un multiplicateur, ce qui augmente considérablement les coûts d’entretien, particulièrement pour les éoliennes en mer.

asynchronous generator

Figure 2. Vue en coupe d’une génératrice asynchrone à double alimentation avec convertisseur tournant.

Pour réduire ces inconvénients, certains fabricants ont développé des éoliennes qui utilisent des machines synchrones, dans lesquelles les bagues collectrices et les balais sont éliminés. C’est le cas par exemple des génératrices synchrones à aimants permanents (PMSG) [5].

synchronous generator2

Figure 3. Vue en coupe d’une génératrice synchrone à aimant permanent.

Figure 4. Schéma d'un système de génératrice avec supraconducteurs à haute température (HTS) .

Figure 4. Schéma d’un système de génératrice avec supraconducteurs à haute température (HTS) .

Le transport de l’énergie produite par le parc éolien vers le réseau à courant alternatif (AC) principal s’effectue à l’aide de systèmes de transmission à courant continu haute tension (high voltage direct current ou HVDC) ou à courant alternatif haute tension (high voltage alternating current ou HVAC) [6]

Le système de transmission HVDC peut constituer un meilleur choix qu’un système HVAC lorsque la distance entre les stations de conversion est importante. Il peut réduire les problèmes associés aux défauts de réseau avec le parc éolien et offrir au parc éolien une meilleure stabilité de tension et de fréquence [7], [8].

Figure 5. HVDC connections in Europe

Figure 5. Lignes de transmission HVDC en Europe : rouge – lignes existantes; vert – lignes en construction; bleu – transferts d’électricité proposés à partir de sources d’énergie renouvelables comme l’énergie éolienne et l’hydroélectricité.

Problématique

Les études déjà effectuées sur les systèmes HVDC ne tiennent pas compte des problèmes dus à l’incertitude relative à la mesure, à la modélisation de l’incertitude, aux défaillances et aux pannes (comme par exemple la panne d’un capteur) qui affectent les systèmes d’énergie éolienne installés sur terre, et plus encore ceux en mer. L’utilisation des estimateurs non linéaires pour estimer les  sorties est devenu nécessaire. La méthode proposée permet de résoudre ce problème en utilisant des estimateurs non linéaires basés sur le filtre de Kalman étendu (EKF) pour estimer les paramètres du système.

Le filtre de Kalman a été co-inventé par Rudolf Emil Kálmán, un ingénieur électricien. Il s’agit d’une « technique mathématique fréquemment utilisée dans les systèmes de contrôle et l’avionique pour extraire un signal à partir d’une série de mesures incomplètes et présentant un bruit important » [9]. On l’utilise fréquemment dans le traitement des signaux, les systèmes de contrôle et le guidage, la navigation et le pilotage [10].

Le filtre de Kalman a deux phases distinctes : prédiction et mise à jour. La phase de prédiction utilise l’état estimé des instants précédents pour produire une estimation de l’état actuel. Dans la phase de mise à jour, les observations en temps réel sont utilisées pour corriger les prédictions et obtenir une estimation plus précise de l’état.

Recherches effectuées

Nous avons simulé avec le logiciel Matlab™ un système composé d’un parc éolien en mer connecté au réseau principal AC terrestre via deux stations (en mer et sur terre) sous de sévères conditions (défaut AC sur terre, sur mer et défaut de courant continu –  CC).  Ces deux stations sont reliées entre elles par deux câbles CC (Figure 6). Le parc éolien en mer simulé est composé de 150 éoliennes de 2 MW chacune équipées de génératrices synchrones à aimants permanents (PMSG) connectées en série entre elles.

Cette recherche est effectuée pour estimer la position et la vitesse du rotor des PMSGs, la tension continue du bus CC du convertisseur CC/AC (système 1) et la tension continue du bus CC des deux stations (en mer et sur terre) en utilisant le filtre de Kalman étendue (EKF). L’énergie produite par le parc éolien en mer est transmise à une station en mer (identifiée comme étant  la station 1 sur la figure 6) afin de convertir la haute tension AC en CC (à l’aide du convertisseur de source de tension à courant continu haute tension à trois niveaux 3NPC–VSC-HVDC). Deux câbles CC sous-marins de type XLPE +/-150 kV de 100 km chacun la relierait à une autre station sur terre à trois niveaux (la station 2 sur la figure 6) pour convertir la tension CC en AC triphasé, qui elle est reliée à un réseau AC principal (315 kV / 60 Hz identifié comme le Système 2 sur la Figure 6).

Figure 6 : Schéma du système de simulation utilisé pour la recherche.

Figure 6 : Schéma du système de simulation utilisé pour la recherche.

Trois filtres de Kalman étendus (EKF) ont été utilisés dans cette simulation : le premier au niveau du parc éolien en mer (système 1), le deuxième au niveau de la station 1 et le troisième au niveau de la station 2.

Le système est simulé sous trois sévères conditions :

  1. Un défaut triphasé au niveau du point de couplage commun (PCC) d’un réseau AC en mer (« défaut 1 »);
  2. Une défaillance dans le câble supérieur CC de 100 km reliant la station 1 et la station 2 (« défaut 2 »);
  3. Un défaut triphasé au niveau du point de couplage commun (PCC) du réseau principal AC sur terre (« défaut 3 »).

Résultats de la simulation

Les résultats de la simulation montrent que :

  • Le contrôle développé en utilisant l’algorithme EKF pour les deux stations indique son efficacité en présence de défauts AC et CC, en minimisant ses impacts sur l’ensemble du système (défauts 1, 2 et 3);
  • L’impact des défauts 1, 2 et 3 sur l’amplitude du courant AC côté réseau principal a été nettement réduit et le temps de réponse du système est rapide;
  • Le système avec le contrôle proposé peut maîtriser l’impact des défauts AC et CC. Le système complet est plus stable lorsque la stratégie de contrôle développée avec l’algorithme EKF pour les défauts 1, 2 et 3 est appliquée.

La norme de temps de réponse réel d’un réseau d’alimentation électrique, comme suggéré dans [14], peut atteindre 150 ms. Cette exigence est difficile à satisfaire, en particulier, avec des systèmes VSC-HVDC interconnectés avec des parcs éoliens. En l’absence d’une stratégie de contrôle appropriée, ces types de défauts peuvent entraîner des dommages matériels importants aux installations électriques. C’est pour cela que plusieurs travaux de recherche ont été entrepris dans ce domaine afin de résoudre cette problématique de défauts CA et CC [15-18]. La plupart de ces études ont apporté une amélioration de la qualité de l’énergie en cas de défaut, tout en atténuant l’impact sur le système. Toutefois, le temps de réponse et l’amplitude des variables mesurées apparaissent plus élevés. La comparaison avec la recherche proposée montre l’amélioration de la qualité du courant et la réduction des temps de réponse.

Conclusion

Les résultats de la simulation montrent que les vitesses estimées du rotor des PSMGs suivent leurs vitesses de référence obtenues par l’algorithme (MPPT) correspondant à la puissance maximale des éoliennes et que les tensions CC totales estimées suivent précisément leurs tensions de référence. En outre, la station 3L-NPC VSC en mer est capable de transférer efficacement l’énergie réelle produite (300MW) par le parc éolien en mer au réseau principal sur terre. De plus, d’autres résultats de simulation indiquent que la station 3L-NPC VSC sur terre est capable d’assurer la stabilité de la tension continue du bus CC dans la ligne HVDC.

Enfin, nous concluons que la stratégie de contrôle proposée en utilisant l’estimateur utilisant l’estimateur filtre de Kalman étendu (EKF) donne une excellente performance dynamique et transitoire avant, pendant, et après l’apparition du défaut au point de couplage commun (PCC) du côté du réseau AC principal, au PCC du côté du réseau AC en mer et du côté câble CC.

Information additionnelle

Pour obtenir de plus amples informations sur ce sujet, nous vous invitons à lire l’article de recherche suivant :

Mounir Benadja and Ambrish Chandra (2015). Adaptive Sensorless Control of PMSGs based Offshore Wind Farm and VSC-HVDC Stations. IEEE Journal of Emerging and Selected Topics in Power GREPCI logo VFElectronics.  (PDF)

Veuillez consulter notre site Web pour plus d’information sur les autres projets de recherche et les étudiants recherchés au Groupe de recherche en électronique de puissance et commande industrielle (GRÉPCI).

Mounir Benadja

Profil de l'auteur(e)

Mounir Benadja réalise actuellement un doctorat à ÉTS de Montréal. Ses recherches portent sur l’électronique de puissance pour les ressources énergétiques renouvelables et les systèmes de transmission à courant continu haute tension.

Laboratoires de recherche : GREPCI – Groupe de recherche en électronique de puissance et commande industrielle 

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Ambrish Chandra

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Ambrish Chandra est professeur au Département de génie électrique à l’ETS. Ses intérêts de recherche portent sur la qualité de l’onde, la compensation de puissance, le contrôle et l’intégration des ressources énergétiques renouvelables.

Programme : Génie électrique 

Laboratoires de recherche : GREPCI – Groupe de recherche en électronique de puissance et commande industrielle 

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