24 Avr 2018
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article de recherche
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Transports terrestres
,
Environnement
Monétisation des émissions polluantes de la circulation routière


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La circulation routière est à l’origine d’émissions polluantes importantes et les caractéristiques des chaussées influencent la quantité et la gravité des nuisances émises par les véhicules. Cependant, l’analyse des impacts environnementaux dépasse de loin le cadre traditionnel des applications des administrations routières qui ne tiennent compte ni des impacts, ni des coûts sanitaires et environnementaux lors d’une intervention. L’objectif principal de cette étude est de monétiser les impacts environnementaux afin d’estimer leur poids économique et de les intégrer aux systèmes de gestion routière. À la suite d’une revue de la littérature et de simulations sur un logiciel dédié aux infrastructures routières, l’étude démontre tour à tour la faisabilité de la monétisation des impacts environnementaux dans le but de les incorporer dans les systèmes de gestion des chaussées, l’indispensabilité de leur comptabilisation pour estimer les coûts réels et les bénéfices des différentes stratégies d’intervention et la pertinence de leur prise en compte pour limiter les impacts environnementaux et sanitaires de la chaussée au cours de sa phase d’utilisation. Ce projet s’inscrit dans le cadre du développement durable des chaussées.
La pollution atmosphérique tue 2,9 millions de personnes par an. Elle est ainsi devenue le quatrième facteur de décès prématuré [1].
La circulation routière est à l’origine d’émissions polluantes importantes : monoxyde de carbone, dioxyde de carbone, dioxyde d’azote, oxydes de soufre, hydrocarbures et particules fines ont des conséquences dramatiques sur le bien-être et la santé des populations, les écosystèmes naturels, l’agriculture et les infrastructures. Plus de 50 % des émissions de particules en milieu urbain sont dues au trafic, supplantant les rejets de l’industrie, des commerces et du chauffage domestique réunis. De plus, les Nations Unies ont estimé que plus de 600 millions de personnes sont exposées à des taux dangereux de pollution générée uniquement par la circulation routière [4]. 87 % de la population mondiale est exposée à cette pollution [1].
Dès lors, quels sont les moyens d’action des administrations routières pour diminuer les rejets dans l’atmosphère liés de la circulation?
Les caractéristiques de la chaussée, telles que le type de matériau sélectionné, la rugosité de la couche de surface, sa géométrie et son entretien influencent la quantité et la gravité des nuisances émises par les véhicules qui empruntent la route [2], [3], [5] et [6]. Toutefois, le choix d’une stratégie d’intervention est essentiellement basé sur son coût, et les impacts environnementaux et sanitaires sont majoritairement considérés comme intangibles. Les administrations routières ne les prennent donc pas en compte lorsqu’il faut décider de la manière d’intervenir pour réparer une route dégradée.

Figure 1 Une route endommagée
La solution pourrait résider dans l’association des impacts environnementaux à un coût qui permettrait d’estimer leur poids économique et de les intégrer aux systèmes de gestion routière.
Le logiciel HDM-4 est un programme de prévision du comportement de la chaussée et d’évaluation économique de la conception et de l’entretien des routes, dont l’utilisation est préconisée par l’Association mondiale de la route. À partir des données collectées sur un réseau routier existant, il simule plusieurs routes ainsi que les stratégies d’intervention suggérées par les experts routiers. Il est le seul logiciel répandu à calculer les quantités d’émissions rejetées en tonne par an, par type de polluant et par stratégie d’intervention.
Les paramètres qui varient d’une option d’intervention à l’autre sont la qualité de l’enrobé constitutif de la nouvelle couche de surface et la fréquence de l’entretien. Ces programmes d’intervention seront comparés à la stratégie 0, qui consiste à laisser la chaussée dans son état initial et à ne pas intervenir.
Tableau 1 Options d’intervention et paramètres
Tableau 2 Estimations des quantités d’émissions rejetées en tonne par an, par type de polluant pour un exemple de stratégie d’intervention, produit par le logiciel HDM-4
Des recherches épidémiologiques et économiques récentes proposent des coefficients en dollars par tonne représentant le coût des impacts de chaque émission. En multipliant les quantités fournies par le HDM-4 par ce coefficient, un coût environnemental est attribué à chaque type d’intervention.

Figure 2 Coûts cumulés des émissions polluantes pour chaque option sur toute la période d’analyse pour un exemple d’intervention
Afin de synthétiser les résultats obtenus, seules les trois stratégies extrêmes sont retenues :
- La stratégie complète (2) de remise à niveau de la chaussée et un entretien régulier;
- Une stratégie utilisant des matériaux moins chers et sans entretien (7);
- Une stratégie (0) qui consiste à laisser la route dans état initial sans intervention.

Figure 3 Synthèse des coûts cumulés des émissions polluantes pour les trois options sélectionnées
Peu importe la stratégie, intervenir c’est réduire l’impact environnemental de plus de un million de dollars. Bien intervenir, c’est faire économiser 200 000 $ supplémentaires à la société en coûts environnementaux pour ce projet et seuls sept kilomètres de route sont ici modélisés.
En conclusion, les gestionnaires des chaussées possèdent les clés pour réduire les impacts environnementaux liés à la circulation routière. De plus, les bénéfices environnementaux représentent plusieurs millions de dollars. Il est donc recommandé d’associer les impacts environnementaux à un coût pour qu’ils soient intégrés dans les modèles de gestion au même titre que les autres coûts. La prise en compte de ces impacts dans la gestion des chaussées doit permettre une gestion plus durable des infrastructures routières et profitable à l’ensemble de la société.

Marion Ghibaudo
Marion Ghibaudo est inscrite à un programme de double diplôme dans le cursus proposé par le partenariat entre l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers et l’ÉTS. Elle est étudiante à la maîtrise en génie de la construction.
Programme : Génie de la construction
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