14 Août 2017
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article de recherche
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Matériaux et fabrication
Un plan d’échantillonnage pour une usine manufacturière optimale


Note de l’éditeur
Le texte qui suit est l’un des articles finalistes du concours « Des auteurs qui ont du génie » organisé par SARA et Substance ÉTS. C’est un résumé vulgarisé d’un article intitulé : Integrated production, sampling quality control and maintenance of deteriorating production systems with AOQL constraint, coécrit par Ali Gharbi, professeur au Département de génie de la production automatisée de l’École de technologie supérieure (ÉTS).
Introduction
L’industrie manufacturière est depuis le début du 20e siècle, à l’ère industrielle, en perpétuelle quête de méthodes révolutionnaires de gestion et d’amélioration continue qui garantissent des coûts de production optimaux. Plusieurs chercheurs ont investi le secteur et travaillent à développer des solutions en ce sens.

Figure 1 Illustration d’une chaîne manufacturière
Les premières solutions proposées reposent sur des approches individualistes. Ce sont des solutions qui ne considèrent qu’un seul des services d’une usine manufacturière. Les services sont les éléments qui constituent l’usine : la maintenance préventive et corrective, le contrôle de la qualité des produits, l’approvisionnement, la clientèle, etc. Ces solutions sont relativement moins complexes à développer et ont cet avantage d’être faciles à implanter en industrie. Leur inconvénient le plus important est qu’elles ne tiennent pas compte du fait que tous ces services sont interreliés. En conséquence, ces solutions sont peu efficaces et ne permettent pas le fonctionnement optimal d’une industrie.
Problématique
L’intérêt actuel va vers des approches intégrées, qui regroupent simultanément plusieurs services du système. Bien qu’à ce jour, bon nombre de solutions intégrées incluent deux services, les chercheurs déploient depuis des décennies des efforts considérables pour des approches intégrées à trois services. Les modèles de gestion intégrant la planification de la production, la maintenance et le contrôle de la qualité en sont des exemples. Dans ces modèles, le contrôle de la qualité se fait par l’inspection de tous les produits en bout de chaîne. Autrement dit, tous les produits sont contrôlés un par un avant le stockage. On parle de contrôle à 100 %.
Cependant, est-ce la meilleure approche pour le contrôle de la qualité, sachant l’importance des coûts et du travail additionnel entraînés? Dans l’article de recherche, les auteurs remettent justement en cause cette méthode en considérant une inspection basée sur l’échantillonnage, nommée plan d’échantillonnage par inspection d’acceptation, où un échantillon unique est contrôlé pour chaque lot de produit en bout de chaîne. Leur objectif était de développer une solution permettant de minimiser les coûts de production et d’optimiser la planification de la production et de la maintenance, tout en assurant aux clients des produits de bonne qualité.

Figure 2 Inspection dans une usine alimentaire
Méthodologie
L’usine manufacturière étudiée dans l’article produit un seul type d’articles. Les activités influencent la performance en dégradant de façon graduelle les installations. Ceci entraîne des défaillances et augmente le nombre de produits non conformes.
Pour maintenir ou restaurer les performances de l’usine, les auteurs considèrent la stratégie de maintenance préventive suivante : une réparation minimale (dépannage) ainsi qu’une maintenance préventive effectuée pendant la configuration qui précède la production de chaque lot. Ils considèrent aussi une révision complète qui correspond à un entretien important effectué dès que le taux d’articles défectueux atteint ou dépasse un seuil donné.
En bout de chaîne, les produits sont contrôlés. Cela consiste à inspecter les produits d’un échantillon aléatoire de chaque lot produit. Si le nombre d’articles défectueux dépasse le seuil d’acceptation, le lot est rejeté puis contrôlé au complet afin d’éliminer tous les produits défectueux. La proportion d’articles défectueux est comparée à la valeur du seuil de révision, indiquant ainsi le besoin ou non de procéder à une révision complète du système. La taille de chaque lot produit et celle de l’échantillon de test dépendent de la limite de la qualité moyenne après contrôle (AOQL) adopté par les clients.
Le temps de configuration est fixe. Les durées de dépannage et de révision complète sont des évènements aléatoires, suivant des distributions de probabilité. La quantité de produits de l’inventaire détermine le taux de production.
Solution proposée
Les auteurs ont utilisé une démarche bien connue des professionnels des procédés manufacturiers. Ils commencent par une formulation mathématique du problème, dans laquelle les interactions complexes entre la production, les stocks, la qualité et la maintenance sont décortiquées. Ils font aussi ressortir les constituants du coût total encouru que sont le coût d’inventaire, de rupture de stock, de configuration, de maintenance et de qualité.

Figure 3 logique de fonctionnement du système
Cette première étape débouche sur une trentaine d’équations mathématiques. Pour résoudre le problème, les auteurs ont choisi la simulation au détriment des approches de résolutions analytique et numérique du fait de la complexité du problème. Elle a été effectuée à l’aide des langages de programmation C++ et SIMAN pour transformer le modèle mathématique en un ensemble d’évènements discrets et continus interconnectés. Un algorithme d’optimisation permet ensuite de trouver les valeurs optimales des variables de décision.
Résultats
La contribution principale de cet article est le modèle développé pour l’optimisation conjointe de la production, de la maintenance et de la qualité au moyen de l’échantillonnage comme approche pour le contrôle de la qualité. Ensuite viennent les résultats obtenus en appliquant le modèle développé à un cas pratique.
Les premiers résultats servent à valider le modèle de simulation par l’analyse de l’influence d’une douzaine de variables sur le problème. Un total de vingt-quatre analyses ont été conduites pour démontrer la robustesse de la solution obtenue.
Les résultats suivants font partie d’une étude comparative réalisée entre le modèle développé par les auteurs et les modèles présentés dans la littérature. Comme mentionné plus haut, le contrôle de la qualité dans la littérature suit une approche de contrôle à 100 % (inspection systématiquement de tous les produits), alors que l’approche présentée ici consiste à inspecter un échantillon de produits de chaque lot. Avec le modèle proposé, les produits inspectés représentent seulement 17 % du lot, pour un AOQL (produits défectueux qui sont livrés aux clients) d’environ 0,74 %. Dans les modèles présentés dans la littérature, 100 % des produits passent à l’inspection, pour un AOQL de 0 %. Les coûts d’inspection, d’inventaire et de rupture de stock sont plus élevés pour ces méthodes; en fin de compte, l’approche élaborée par les auteurs est jusqu’à 20,6 % plus économique. Ce gain augmente avec le coût d’inspection. Cependant, si la AOQL est abaissé à une valeur inférieure ou égale à 0,1 %, les deux approches se valent presque du point de vue économique.
Figure 5 Contrôle de la qualité dans une usine
Conclusion
L’article présente trois contributions importantes qui sont :
- l’introduction d’une nouvelle façon d’aborder le plan d’échantillonnage pour le contrôle de la qualité dans l’industrie manufacturière,
- un nouveau cadre de modélisation des relations complexes entre des évènements aléatoires,
- une approche générant des économies considérables pour l’industrie (jusqu’à 20,6 % par rapport aux approches antérieures).
L’étude ne prend en compte qu’un seul attribut qualité du produit, donc une inspection basée sur un unique critère. La nature complexe des produits actuels ne correspond pas toujours à cette réalité. En effet, la qualité d’une chaussure, par exemple, s’évaluera à la fois sur son confort, ses dimensions, sa masse, etc. Un défi à venir serait donc de définir une façon de constituer l’échantillon du lot à inspecter qui permettrait d’inclure toutes les exigences de qualité des produits.
Information supplémentaire
Pour plus d’information sur cette recherche, consulter l’article de référence suivant : Bouslah, B., Gharbi, A., Pellerin, R. (2016). « Integrated production, sampling quality control and maintenance of deteriorating production systems with AOQL constraint ». Omega, Volume 61, pages 110-126.

Fabrice Chilly Ngamaleu
Fabrice Chilly Ngamaleu est diplômé de l’ENSP. Depuis Septembre 2016, il est à la maîtrise en génie mécanique à l’ÉTS. Son projet de recherche porte sur l’optimisation de la planification des opérations et l’intégration des systèmes APS.
Programme : Génie mécanique
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